Ondes, science et manigances - 16/03/2014
La journaliste Nancy de Méritens et le réalisateur Jean Hêches dévoilent un scandale sanitaire !
Article du magazine Nexus : (N°91 - Mars - avril 2014)
C'est parti de pas grand-chose. Simplement de la volonté de mieux comprendre les conséquences de l'installation d'une antenne relais dans leur village. La journaliste nancy de méritens et le réalisateur Jean Hêches ne se sont pas forcément rendu compte qu'ils ouvraient là une boite de Pandore dont l'exploration allait leur prendre deux
ans. Résultat: un formidable film d'enquête qui documente tous les aspects d'un véritable scandale sanitaire.
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NEXUS: Quelles ont été les plus grosses surprises rencontrées au cours de votre enquête ?
Nancy : J'ai été étonnée que la collusion entre l'OMS [Organisation mondiale de la santé] et l'industrie soit si évidente, et qu'au fond cela semble normal à tout le monde, à part à quelques associations mobilisées sur le sujet. Notre enquête met en évidence
une impunité totale des personnes en responsabilité, qui m'a vraiment étonnée. Certaines ont des postes qu'elles ne devraient pas occuper, d'autres n'ont aucune compétence dans le domaine de la santé. C'est le cas de la responsable actuelle des champs électromagnétiques à l'OMS, Emilie Van Deventer, qui est ingénieur en électronique et entretient une proximité contestable avec des scientifiques proches de l'industrie.
Jean : Pour moi, ça a été de comprendre que nous avons connaissance de la nocivité de ces ondes depuis les années 70. Un rapport de la Défense Intelligence Agency de l'armée américaine de 1975 analyse la situation en disant: «Si les nations occidentales étaient
plus strictes sur les normes d'exposition, cela aurait des effets défavorables pour l'industrie et le fonctionnement militaire.» Malgré cela, les industriels et les militaires ont choisi de ne pas en tenir compte, pour des questions stratégiques et financières, liées au coût de déploiement de la technologie. Certes, les problèmes de santé rencontrés à l'époque par les opérateurs de stations radar concernaient des champs d'une intensité bien supérieure à celle de la téléphonie mobile, mais aujourd'hui, la population
se retrouve exposée dans sa totalité et surtout en permanence, à des niveaux d'exposition qui sont connus pour être toxiques.
Est-ce vraiment comparable ?
Nancy : Absolument, car les normes d'exposition sont si élevées (61 volts par mètre), que cela permet la multiplication des sources: téléphonie mobile, mais aussi téléphone sans fil DECT, Wifi, Wimax, Bluetooth. Ainsi, même si le niveau reste très en dessous
du seuil de 61 V/m à proximité d'un relais de téléphonie, c'est l'addition des expositions de vos appareils avec ceux de vos voisins qui rend cette norme problématique. Elle s'applique aussi aux professionnels des stations radar, même dans le cadre militaire. Ces niveaux d'exposition, dont on peut imaginer qu'ils étaient indispensables aux radars de la défense et de la sécurité aérienne pour fonctionner efficacement lors de la guerre froide, ont été une voie royale pour le déploiement de la technologie des téléphones
portables.
Jean : D'ailleurs, ce que demandent les associations, c'est de rejoindre un taux cent fois en dessous de cette réglementation. Actuellement, on a des pays qui ont des normes dix fois moins élevées que les standards internationaux. C'est le cas en Suisse, en Russie,
en Inde ou en Chine (6 V/m). Une puissance de 1 V/m, voire 0,5 V/m s'avère tout à fait suffisante pour les portables, si on multiplie les antennes. Le plus incroyable dans tout cela, ce que le film démontre avec les études documentées de l'époque, c'est comment le «paradigme de l'effet thermique» adopté par l'armée américaine au début des années 60 et permettant de fixer un plafond à 61 V/m (pour protéger de la cuisson par les ondes) fut un questionnement au sein même de l'armée quand les Américains ont découvert
que les Russes irradiaient depuis des années l'ambassade américaine à Moscou avec des champs électromagnétiques très en dessous du seuil thermique. Le personnel de l'ambassade était anormalement malade et deux ambassadeurs américains sont morts d'un cancer. Les industriels et les militaires sont donc depuis longtemps parfaitement au courant de l'existence d'effets biologiques en dessous des normes actuelles, qui ne protègent que des effets thermiques.
C'est effectivement étonnant que cela n'ait pas marqué nos dirigeants. Qu'avez-vous découvert qui permette de comprendre comment nous en sommes arrivés là ?
Nancy : L'un des points essentiels de notre enquête révèle l’existence d'une «stratégie de défense de produit» mise en œuvre par les industriels de la téléphonie mobile et qui est reprise par les agences d'évaluation sanitaire et les médias à destination du public
ou des élus. Le moyen le plus courant est le financement d'études par les industriels, soit en rétribuant directement les scientifiques, soit en recourant à des fondations-écrans, qui prennent en charge les recherches. Les universités sont aussi sponsorisées, ainsi les étudiants sont naturellement enclins à faire allégeance à l'industrie. On voit aussi des travaux «scientifiques», qui sont publiés via des cabinets spécialisés, comme il en existe plusieurs aux États-Unis, et qui monnayent leur expertise jusqu'à
900$ de l'heure. Ensuite, ces prétendues études vont imprégner la connaissance scientifique en la pervertissant. Ces publications sont destinées aux médias ou aux avocats en prévision de procès en responsabilité sur des questions liées à l'environnement ou à la santé. En second lieu, on place des scientifiques fidèles à l'industrie dans les agences d'évaluation sanitaire. Ils sont faciles à identifier, parce qu'ils travaillent régulièrement sur des études financées par l'industrie. Et en troisième lieu, on dénigre
et on harcèle les chercheurs qui publient des résultats défavorables. L'objectif est que cette «fausse science» soit la seule qui puisse intégrer le corpus scientifique consulté par tout un chacun. Pour finir, cela va induire un doute suffisant sur la toxicité d'une technologie ou d'un produit pour que les décideurs soient empêchés de se prononcer.
Mais comment se fait-il que ce doute n'engage pas, justement, à la mise en place du principe de précaution ?
Nancy : Dans le doute, les dirigeants préféreront toujours ne pas prendre de décision pour des raisons économiques et électoralistes, évitant ainsi d'être taxés de rétrogrades. En plus, ils ne sont pas du tout compétents en matière de physique des ondes ni de
santé. C'est précisément ainsi que l'industrie du tabac a opéré pendant des décennies, ainsi que ses représentants le reconnaissent dans des documents internes: semer le doute pour retarder la prise de décision. Et il ne s'agit pas que des décisionnaires, le public aussi est victime de ce doute. Si une technologie, comme le wifi par exemple, est largement commercialisée et que la critique est controversée, on se dit que finalement, si c'est vendu à aussi grande échelle, c'est que ce n'est pas si mauvais... et
on l'achète. Si le public avait vraiment accès à cette connaissance critique, on reporterait l'achat, on limiterait son utilisation, on l'interdirait à ses enfants, on privilégierait les technologies filaires, on s'abstiendrait en voiture ou dans le train.
Jean : Cette stratégie est finement pensée, les industriels et leurs scientifiques mercenaires demeurant inattaquables du point de vue juridique. Les conclusions qu'ils présentent ne constituent pas un réel mensonge, ils omettent simplement de publier les résultats
gênants. C'est flagrant dans les études financées par l'industrie de la téléphonie. Elle met en avant, dans les conclusions, les résultats qui ne font pas état de risques, mais si on lit l'étude dans son ensemble, on découvre d'autres résultats, bien moins rassurants, qui sont écartés des conclusions. Ils savent que les gens ne lisent que les conclusions !
N'est-ce pas aussi parce que la téléphonie mobile s'est tellement généralisée que personne ne saurait plus s'en passer ?
Nancy : Oui. Le problème, avec la stratégie du doute appliquée à la téléphonie, c'est que c'est une technologie très pratique et utile. Alors si, face à cela, la menace est trop abstraite, elle n'est juste pas prise en compte par le plus grand nombre. Dans le
doute, on opte souvent pour le confort. D'autant que l'inconvénient sanitaire n'est pas perceptible immédiatement, mais le sera dans quelques années.
Effectivement. Et même parmi les mieux avertis, je remarque que l'emploi d'une oreillette ou du haut-parleur est loin d'être un réflexe acquis par tous.
Jean : C'est vrai et c'est effectivement significatif du succès de cette activité de défense du produit mise en œuvre depuis vingt ans. Le public pense véritablement que les champs micro-ondes pulsés sont anodins, et ils se fient malheureusement à l'avis de l'OMS:
«À ce jour, pas d'effet avéré sur la santé.» Nous sommes dans une situation où l'on voit se multiplier deux types de victimes: les malades (électrohypersensibilité, tumeurs cérébrales, etc.) et les utilisateurs qui sont empêchés d'évaluer objectivement les risques. Les politiques font aussi partie de ces victimes. Ils agissent en majorité dans l’inconscience des risques qu'ils font courir à la population, mais dans les cas où ils ont été prévenus par les lanceurs d'alerte, ils pourront être redevables de comptes
devant la justice.
Combien de victimes faudrait-il avant que l'humanité en prenne conscience ?
Jean : Pendant les deux années qu'a duré l'enquête, nous nous sommes souvent posé une question au sujet des responsables que nous avons approchés, et qui penchent vers la thèse du déni du risque sanitaire alors qu'une controverse scientifique importante sévit.
Sont-ils conscients ou non de la dissimulation de ces risques ? Aujourd'hui, nous sommes certains que oui. Au cours d'un colloque international, que l'on voit dans le film, organisé par le Scenhir (Comité scientifique d'évaluation des risques émergents de la Commission européenne), les chercheurs qui s'exprimaient avaient, pour beaucoup, des liens étroits avec l'industrie. Les observateurs de la société civile qui étaient là s'indignaient de la situation, car les organisateurs du colloque avaient soigneusement
« omis» d’inviter les chercheurs indépendants ayant trouvé des effets délétères aux ondes. Le credo de la conférence a donc été: il n'y a actuellement pas assez de signaux pour remettre en cause la technologie du sans-fil. Certains observateurs d'ONG étaient choqués, car cela revenait à dire: «Il faut plus de malades et de morts avant de prendre des précautions».
Nancy : La présomption d'innocence est intéressante pour les êtres humains, mais là, on l'applique à une technologie. Ce n'est pas juste, c'est le principe de précaution qui devrait prévaloir. Mais la politique appliquée est à l'opposé: tant qu'on n'a pas de
preuve absolue à 200%, «avérée», on continue. C'est vraiment de l'obscurantisme. On laisse la réflexion scientifique à des chercheurs qui diffusent des mensonges, comme au temps de Galilée, jusque dans les universités.
Le fossé est tout de même troublant: d'un côté, des scientifiques indépendants qui trouvent des choses vraiment inquiétantes, comme des atteintes chromosomiques sur les cellules humaines, et de l'autre, des carriéristes, des scientifiques mercenaires qui diffusent des contrevérités à grand renfort de colloques et de milliards issus de l'industrie.
Avez-vous réussi à insinuer le doute chez certains de ces partisans, voire à ouvrir les yeux de certains ?
Nancy : Le film est très bien reçu par les personnes capables de penser par elles-mêmes. Mais chez d'autres, malgré une prise de conscience exprimée juste après le visionnage de notre enquête, le retour à une position de déni dans la pratique est courant, tant
elles sont prises dans les filets de la croyance en l'innocuité de ces ondes. Pour comprendre l'efficacité de cette stratégie de défense du produit, il faut également se souvenir que nous sommes dans une société qui s'est construite sur le dogme salvateur du progrès. On a généralement confiance dans la science et en l'image d'objectivité du chercheur. Le public ne réalise pas que cette présupposée objectivité est polluée par une fausse science industrielle. La difficulté de renier son confort, doublée de celle
de s'extraire de cette exposition aux ondes, particulièrement en ville où l'on est arrosé de toute part, fait le reste.
Mais pourquoi si peu d'intellectuels pour dénoncer ce type de détournement ? Comment votre film est-il perçu par les médias ? Sera-t-il diffusé à la télé ?
Nancy : Des démarches sont en cours dont nous attendons les résultats. Entre-temps, il va sortir en salle à partir du 19 mars. Nous organisons aussi des projections à la demande d'associations ou de citoyens. Le public est généralement assez enthousiaste. Mais,
même dans les milieux alternatifs, nous nous sommes rendu compte que certains ne sont pas du tout au courant. Ils sont surtout sensibilisés aux dangers de la proximité des antennes, mais continuent d'utiliser les autres technologies, le wifi chez eux, les téléphones DECT, etc. C'est aussi le cas pour d'autres industries où la défense de produit est la stratégie : les pesticides, les CFC, et même l’industrie de l'amiante, qui se porte toujours très bien aujourd'hui malgré un classement par l'OMS dans la catégorie
la plus élevée des substances cancérogènes. La dernière parade en date des industriels de l'amiante consiste à diffuser des études qui montreraient que les fibres courtes d'amiante utilisées dans les plaquettes de frein ne sont pas cancérogènes. Idem avec la dénonciation du maïs OGM par les recherches du biologiste Gilles-Éric Séralini. Comme la validité de son étude n'a pas pu être vraiment contestée, on lui a reproché d'avoir, dans le passé, fait une conférence pour le laboratoire Sevene Pharma dont un responsable
aurait des liens avec le mouvement Invitation à la vie (IVI), à ambition thérapeutique, créé par Yvonne Trubert (1932-2009). Par ce raccourci intellectuel douteux, Séralini se retrouve soupçonné de proximité avec une secte; donc, du coup, son étude peut être disqualifiée ! Les informations de l'article calomniateur, issu d'un site Internet financé par les lobbies de l'agriculture extensive, ont été reprises par la grande presse. Et ce sera encore sur le Web dans dix ans. Calomniez, il en restera toujours quelque
chose ... encore le doute.
Que pensez-vous de la 4G ?
Jean : Une étude a démontré que cela allait augmenter l'exposition du public de 50 %. Là où on avait un niveau réel d'exposition de 10 V/m, on passera à 15 V/m. Or, cette technologie, essentiellement mise en place pour la vidéo, la musique, les données très lourdes,
n'a pas une nécessité vitale. On aurait franchement pu s'en passer. Peut-on parler de progrès lorsqu'il s'agit de pouvoir regarder YouTube sur son portable?
Comment la stratégie de défense du produit a-t-elle joué dans la polémique autour de l'étude de Leif Salford, dont les réplications n'auraient pas obtenu les mêmes résultats quant à la fragilisation de la barrière hémato-encéphalique ?
Nancy : Ce que le public ignore, c'est que le concept de réplication, que l'on croit être «à l'identique», est généralement impossible. Le matériel n'est jamais exactement le même et les protocoles non plus. Ce ne sont jamais des copies conformes. Dans ce cas
précis, l'étude qui a été refaite par Bernard Veyret et Isabelle Lagroye, financée en partie par Bouygues Telecom, n'utilisait pas tout à fait les mêmes marqueurs du cerveau. Quant à l'étude américaine, elle n'exposait les rats que 30 minutes au lieu des 2 heures initiales de celle de Salford. Mais ce qui est franchement déplorable, c'est que finalement, on prend surtout en compte les études qui ne montrent rien, alors que ce devrait être l'inverse. Il n'y a pas d'équilibre de traitement.
Vous illustrez votre enquête par quelques cas de terrain, comme le calvaire d'une électrohypersensible et l'école de Rexpoëde. Comment ces choix se sont-ils faits ?
Jean : Six cas de clusters (des concentrations anormales de maladies rares) ont été l'objet de l'attention des associations Priartém et Robin des toits. Nous avons travaillé sur plusieurs d'entre eux, mais n'avons gardé que Rexpoëde parce que le maire acceptait
d'être filmé. Quant à Ulrika, électrohypersensible suédoise, nous l'avons choisie car le déploiement de la 4G était abouti en Suède et que son cas paraissait plutôt grave. Elle était à la charnière entre son ancienne existence et une vie d'errance. Les souffrances à peine supportables qu'elle subissait, jour et nuit, nous semblaient relever de la torture. Dans les pires moments, on ne pouvait même pas filmer tant cela aurait été indécent de la montrer dans une telle situation.
Nancy : Concernant Ulrika, lorsqu'elle nous a déclaré «entendre» les ondes, nous étions très dubitatifs. Au départ, franchement, je ne la croyais pas. Or, quand nous avons examiné de plus près les études de Frey sur les ondes radar remontant aux années 70, nous
avons retrouvé la description du même phénomène: les opérateurs témoignaient effectivement être capables "d'entendre" ces micro-ondes, mais pas avec leur oreille externe ou interne; ils percevaient, en quelque sorte, un son recréé par le cerveau. À partir de là, j'ai compris qu'elle percevait effectivement ces ondes.
Où en est-on quant au nombre d'électrohypersensibles en France ?
Jean : Ils représenteraient entre 3 et 6 % de la population. Mais avec les ondes électromagnétiques, il faut bien distinguer trois catégories de pathologies. Les tumeurs du cerveau provoquées par l'apposition régulière contre l'oreille, pendant des années, du
portable, ce qui ne concerne encore que relativement peu de personnes. Les effets sur la barrière hémato-encéphalique, qui touche un public de plus en plus jeune, et qui se traduisent par des maladies neurodégénératives où l'on observe des symptômes très proches de la maladie d'Alzheimer. Et enfin les électrohypersensibles, qui présentent une intolérance aux ondes avec des symptômes très divers. Or, ces personnes n'ont été exposées qu'au cours de la dernière partie de leur vie. Que va-t-il se passer quand les
enfants de 5 à 10 ans, qui sont exposés depuis leur naissance, auront cumulé une dizaine d'années d'exposition supplémentaires ?
Dirigeants impuissants, voire complices, déni collectif... que faire ?
Nancy : À notre sens, l'essentiel réside dans l'action individuelle, c'est une question d'éthique personnelle. Le jour où l'on est confronté à une maladie grave, on peut choisir de se battre ou pas. Notre façon de nous positionner dans la société, en responsable
ou pas, est du même ordre. Chacun peut agir en informant ou en décidant de donner l'exemple à titre personnel, c'est très important. Par ailleurs, s'il n'était l'ensemble des associations et leur travail d'analyse, de sensibilisation, les industriels auraient une voie royale toute tracée devant eux. Il est donc très important d'adhérer à l'une de ces associations, car ce sont elles qui contrebalancent auprès de la sphère dirigeante les actions des lobbies. On ignore couramment qu'une loi récente a fixé à 2000
le nombre d'adhérents à partir duquel une association est considérée comme représentative et peut donc faire entendre sa voix, participer à des commissions d'évaluation, etc.
Et les actions qui sont ponctuelles, menées par des administrés contre l'implantation d'une antenne ?
Nancy : Oui, lorsqu'il y a une réelle mobilisation, les résultats sont là et l'on a des exemples d'opérateurs ayant dû céder face aux actions de contestation d'une population. Mais il faut garder à l'esprit que personne ne peut légalement s'opposer à la location
d'un terrain par un particulier pour l'implantation d'une antenne relais.
Jean : La conscience citoyenne évolue au gré de la connaissance et les gens ont tendance à moins se laisser faire lorsqu'ils sont informés. En France, pour le moins, plus personne n’accepterait d'amiante dans la construction de sa maison. On n'a pas idée de l’importance
de l'information. De toute façon, c'est le seul outil légal dont dispose la société civile. Le film en documente un modèle du genre avec le travail d'une journaliste suédoise, Mona Nilsson, qui a réussi à révéler les conflits d'intérêts de certains experts et a contribué très probablement à ce que les ondes de la téléphonie mobile soient classées par l'IARC [International Agency for Research on Cancer] en «cancérigènes probables» en 2011.
On a tendance à se penser impuissant face à des industries qui pèsent des milliards, mais l'exemple de Mona Nils son montre bien l'inverse et qu'avec de petits moyens bien employés, on peut beaucoup. Elle a eu, par exemple, l'idée géniale d'utiliser une loi suédoise qui permet d'obtenir la correspondance des organismes publics. C'est ainsi qu'elle
a récupéré un e-mail dans lequel la responsable en matière d'ondes au sein de l'OMS, Emilie Van Deventer, adresse ses regrets au scientifique Anders Ahlbom, dont Mona venait de provoquer l'éviction de la commission d'évaluation des ondes de l'OMS, en révélant qu'il avait caché son appartenance à une société de lobbying qui travaillait pour la téléphonie mobile. Édifiant !
Et nos élus ? À quand une projection du film au Parlement ?
Nancy : Parmi les politiques, à notre avis, peu prendront le risque de faire bouger les lignes. Ce type de débat cadre mal avec les impératifs du jeu électoral. On ne gagne pas une élection en apportant des restrictions ou en jouant les oiseaux de mauvais augure.
Il faudrait revenir à un système plus démocratique, avec le tirage au sort, par exemple, qui était préféré à l'élection par la démocratie athénienne. On ne serait pas forcément plus mal lotis que nous le sommes actuellement.
Jean : Il ne faut pas oublier non plus que la téléphonie mobile présente également un intérêt majeur pour la surveillance des personnes. C'est devenu l'un des meilleurs auxiliaires de la police judiciaire ou du renseignement. La tendance actuelle en politique
est plutôt d'investir dans les outils de surveillance et de répression des populations. Les opérateurs de téléphonie de tous les pays collaborent avec la police. Récemment, en Ukraine, les opérateurs ont envoyé aux manifestants le message: «Cher abonné, vous êtes enregistré comme participant à un trouble massif à l'ordre public.» Les gens payent tous les mois pour être surveillés par Big Brother !
Quelles sont les prochaines échéances intéressant la question ?
Nancy : Dernière occurrence, le projet de loi déposé par Laurence Abeille, députée des Verts, afin d'encadrer la réglementation des antennes relais, avec une interdiction du Wifi dans les crèches pour les enfants de moins de trois ans, et la reconnaissance des
électrosensibles. C'est un petit pas, mais un progrès certain. Nous espérons beaucoup des suites de la diffusion du film. Nous organisons nous-mêmes des projections publiques, mais répondons à de nombreux groupes qui louent le film pour de petites salles. Que celles et ceux qui sont confrontés à ces problèmes et souhaitent mobiliser leurs voisins, coadministrés ou élus n'hésitent pas à nous contacter. Nous savons, avec le petit retour d'expérience que nous commençons à avoir, que c'est un moyen de sensibilisation
très efficace.
Pensez-vous que les zones «blanches» finiront même par être valorisées ?
Jean : Il y aura un jour des hôtels de luxe offrant des chambres electro-free, cela me paraît évident. Il faut savoir que le Dr Gro Harlem Brundtland, directrice générale de l'OMS jusqu'en 2003, est elle-même électrosensible. Le PDG de Belgacom (télécom belge),
Didier Bellens, a interdit tout wifi dans le bâtiment de sa société ! Les observateurs qualifiés sur le sujet s'accordent sur le fait que la situation va empirer. Il y a deux ans, quand nous avons commencé ce film, je prenais pour des illuminées les personnes qui me disaient: «Nous allons vers un scandale sanitaire d'une ampleur inédite». Aujourd'hui, je partage leur point de vue. Mais il faut accepter que tout le monde ne s'intéresse pas à la vérité. Ce qui est important c'est que ceux qui la cherchent puissent
encore la trouver. On espère que le film y contribuera.
Propos recueillis par David Dennery.
En savoir plus : https://vimeo.com/ondemand/ondesvod/77993977
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